3.Espèces principales

De l’ordre d’une centaine d’espèces différentes ont été capturées dans chacun des trois estuaires, mais certaines uniquement une fois, d’autres très rarement. Ces espèces rares doivent être prises en compte dans le cadre du suivi de la biodiversité, mais ne constituent pas à proprement parler les bases des peuplements, et ne peuvent donc être classées parmi les espèces socle de ces peuplements.

Nous avons choisi de retenir comme premier facteur d’identification des espèces majeures au sein du peuplement, les occurrences de capture (c’est -à-dire le nombre de traits au cours desquels l’espèce est capturée par rapport au nombre total de traits de la campagne), et retenu comme valeur seuil une occurrence minimale de capture fixée à 20% en moyenne sur l’ensemble des campagnes NourDem. Nous avons donc fixé qu’une espèce peut être considérée comme majeure localement si, en moyenne, elle est capturée au moins au cours d’un trait sur 5.

Nous avons également choisi de traiter, quel que soit leur classement en termes d’occurrence :

  • les espèces pouvant présenter de très fortes abondances ou biomasses à l’occasion de certaines campagnes,
  • les espèces identifiées comme sentinelles dans le cadre d’autres suivi, et en particulier les migrateurs amphidromes que sont l’anguille, le saumon, la truite de mer, la grande alose, l’alose feinte, l’éperlan et les lamproies marines et fluviatiles (et les esturgeons dans l’estuaire de la Gironde puisque nous en avons capturé),
  • Les espèces chez qui nous avons séparé les groupes d’âge (bars, soles…) du fait de leur intérêt économique, patrimonial ou biologique, et parce que les différents groupes d’âge ne colonisent pas forcement les mêmes secteurs au sein de estuaires,
  • Et enfin les espèces pour lesquelles l’estuaire constitue une nourricerie. Ces espèces sont identifiées via l’abondance en juvéniles des tous premiers groupes d’âge au sein de nos captures.

NB : Il convient de bien garder à l’esprit qu’il s’agit ici du peuplement tel qu’on peut le décrire à une période donnée d’une part, et à partir de données produites au moyen du chalut GOV Ifremer/NourDem d’autre part, et que ce chalut n’est pas un engin adapté pour échantillonner de manière fiable tous les compartiments (toutes les espèces), ni tous les secteurs des écosystèmes estuariens :

  • Cette hiérarchisation des espèces, et l’ensemble des résultats produits, peuvent être considérés comme valides pour les périodes auxquelles sont réalisées les campagnes, mais pas pour l’année entière. En effet, la variabilité intra annuelle des peuplements estuariens (éclosions/métamorphoses, arrivées et départs d’espèces en migration, mortalités…) fait que les résultats produits sont robustes sur une courte période, mais ne peuvent être extrapolés à d’autres périodes de l’année. C’est d’ailleurs pour cette raison que le protocole du projet impose la réalisation des campagnes à des dates les plus fixes possible année après année (tolérance acceptée d’un cycle de marées, soit 2 semaines),
  • Cette hiérarchisation des espèces est biaisée du fait de l’utilisation d’un seul engin d’échantillonnage : un chalut, quel qu’il soit, ne permet pas un échantillonnage de l’ensemble des compartiments de l’écosystème (il n’est pas adapté, par exemple pour échantillonner la macrofaune endogée, i.e. vivant dans les sédiments), ni tous les secteurs d’une zone donnée : impossibilité de chaluter sur les zones de roche par exemple, ou dans les zones portuaires, alors qu’elles sont souvent très importantes au sein des estuaires…

3.1 Les espèces principales en estuaire de Seine

Au total, 27 espèces (tableau ci-dessous) répondent aux critères précités en estuaire de Seine.

  • 19 présentent une occurrence moyenne de capture supérieure à 20%,
  • A ces 19 premières espèces, nous en avons ajouté 2, d’occurrences inférieures, mais d’intérêt commercial et dont les indices de biomasse moyens sont élevés : les araignées de mer et les rougets de roche.
  • Enfin, 6 espèces de migrateurs amphidromiques, peu occurrentes et peu abondantes dans cet estuaire (au moment du suivi), mais d’intérêt patrimonial, sont également retenues.

Les 19 premières espèces du tableau constituent à proprement parler le socle du peuplement de l’estuaire de Seine. Dans l’ordre d’occurrence, ces espèces sont :

  • Le crabe vert Carcinus maenas est l’espèce la plus occurrente dans nos captures en estuaire de Seine (capturée dans plus 78 % des traits). La moyenne de ses indices d’abondance (IA) depuis 2017 est de ≈ 7,05 millions d’individus et celle de ses indices de biomasse (IB) de l’ordre de 36,5 tonnes.
  • Le flet commun Platichthys flesus présente 70 % d’occurrence moyenne de capture, un IA moyen de ≈ 310 600 individus et IB moyen de l’ordre de 34 tonnes. Cette espèce utilise l’estuaire en tant que nourricerie, des juvéniles des groupes 0 (nés dans l’année) y étant communément capturés.
  • Le bar européen Dicentrarchus labrax arrive en troisième position d’occurrence, ou plus précisément les bars du groupe 2 présentent la troisième occurrence de capture (68,34%) ; si l’on considère l’espèce tous groupes d’âge confondus, l’occurrence de capture s’élève à 76,48 %, ce qui en fait la seconde espèce la plus occurrente. Le bar présente un IA moyen cumulé (toutes les classes d’âge ensemble) de ≈ 901 000 individus pour un IB moyen de ≈ 108,7 tonnes. Cette espèce utilise l’estuaire comme nourricerie (capture de groupes 0, 1, 2 et 3, i.e. de juvéniles, en grand nombre).
  • Le merlan Merlangius merlangus arrive en 4ème position d’occurrence (57,85%, tous groupes d’âge confondus) avec un IA moyen de ≈ 3,5 millions d’individus et un IB moyen de ≈ 26,2 tonnes. Les captures portent essentiellement sur des individus du groupe 0.
  • Le sprat Sprattus sprattus (5ème occurrence de capture avec 56,6 %) est, en moyenne, l’espèce la plus abondante capturée lors de nos campagnes en estuaire de Seine, avec un indice moyen d’abondance de ≈ 42,35 millions d’individus pour un indice moyen de biomasse de ≈ 311,4 tonnes. Il faut cependant noter que ce petit pélagique présente des indices d’abondance et de biomasse annuels très variables.
  • La sole commune Solea solea utilise également l’estuaire comme nourricerie, l’occurrence de capture des individus du Groupe 1 ou des Groupes 2 et + dépassant les 50% (63,74 % tous groupes d’âge confondus ; 6ème rang d’occurrence). Au total, l’indice d’abondance moyen entre 2017 et 2022 a été de l’ordre de 439 300 individus pour un indice moyen de biomasse de l’ordre de 26,4 tonnes.
  • Le petit calmar Alloteuthis sp. présente la 7ème occurrence moyenne de capture (49,6%), un IA moyen de ≈ 1,4 millions d’individus et un IB moyen de ≈ 7 tonnes.
  • Le hareng commun Clupea harengus présente une occurrence moyenne de capture de 47,2%. Son IA moyen est de 7,9 millions d’individus et son IB moyen de 29,2 tonnes. Tout comme le sprat, cette espèce présente de forte variations d’abondance interannuelles de capture, et semble plus inféodée, dans ses stades jeunes, à la bande côtière qu’à l’estuaire stricto sensu.
  • L’éperlan d’Europe Osmerus eperlanus est un migrateur anadrome, majoritairement sémelpare (Fish base), et une espèce indicatrice, sensible au réchauffement climatique (Chevillot et al, 2016). Il n’est pas retenu dans ce classement uniquement au titre d’espèce sentinelle ou patrimoniale, mais bien parce qu’il arrive en 9ème position du classement d’occurrence moyenne de capture (41,1% pour ce qui concerne les Groupes 1+, 22,6% pour les groupes 0, et 42,72 % au total). Son indice d’abondance moyen, tous groupes d’âges confondus, s’élève à 1,53 millions d’individus, et son indice moyen de biomasse à 22,3 tonnes.
  • la crevette grise Crangon crangon, capturée sur la quasi-totalité des traits réalisés par des salinités comprises entre 30 et 10 pour mille, présente une occurrence moyenne de capture de 35,9 % (10ème rang d’occurrence). Son IA moyen est de ≈ 7,3 millions d’individus et son IB moyen de ≈ 6,6 tonnes. Cette espèce revêt un intérêt économique et fait l’objet d’une exploitation professionnelle localement.

Entre le 11ème et le 19ème rang d’occurrence moyenne de capture, on trouve 8 espèces de poissons, un crustacé et une méduse. Dans l’ordre, ces espèces sont :

  • La plie commune Pleuronectes platessa, dont l’estuaire est une des nourriceries, et qui présente un indice d’abondance moyen de l’ordre de 152 600 individus et un indice moyen de biomasse de ≈ 17,9 tonnes,
  • La méduse rayonnée (ou « méduse boussole ») Chrysaora sp. arrive en 12ème position en termes d’occurrence moyenne de capture (27,5%) depuis le début du suivi en estuaire de Seine. L’indice d’abondance moyen est d’environ 93 000 individus pour un indice moyen de biomasse de l’ordre de 4,2 tonnes,
  • Le chinchard commun Trachurus trachurus, est une espèce pélagique abondante sur la zone aval du domaine échantillonné, avec 27,5% d’occurrence de capture en moyenne, un IA moyen de ≈ 177 400 individus et un IB moyen de ≈ 37,6 tonnes,
  • La raie bouclée Raja clavata, espèce bentho-démersale d’intérêt commercial et patrimonial, est bien présente en estuaire de Seine, avec 27,4% d’occurrence moyenne de capture, un IA moyen de ≈ 54 550 individus et un IB moyen de 5,3 tonnes.
  • l’étrille lisse Liocarcinus vernalis : occurrence moyenne de capture de 24,7%, IA moyen de ≈ 769 200 individus et IB moyen de ≈ 6,26 tonnes.
  • Le maquereau commun Scomber scombrus, pélagique également, et comme le chinchard, capturé plutôt à l’aval du domaine échantillonné, avec une occurrence moyenne de capture de 22,8%, un IA moyen de ≈ 175 200 individus et un IB moyen de ≈ 35,5 tonnes,
  • La petite vive Echiichthys vipera, essentiellement présente dans les parties les plus aval du domaine échantillonné, avec une occurrence moyenne de capture de ≈ 21,7%, un IA moyen de ≈ 483 100 individus pour un IB moyen de ≈ 8,2 tonnes.
  • l’anguille commune Anguilla anguilla, espèce migratrice catadrome (ou thalassotoque) dont l’occurrence de capture s’élève en moyenne à 21,6% pour un IA moyen de ≈ 15 500 individus et un IB moyen de ≈ 4,7 tonnes. Tout comme l’éperlan d’Europe, cette espèce n’est donc pas retenue parce qu’elle est un « grand migrateur », mais bien parce que son occurrence moyenne de capture dépasse les 20 % en estuaire de Seine.
  • Le grondin perlon Chelidonichthys lucerna : occurrence de 21,2%, IA ≈ 23 000 individus et IB ≈ 2,9 tonnes

Ces 19 premières espèces, présentant une occurrence moyenne de capture supérieure à 20%, constituent le socle du peuplement macro-faunique de l’estuaire de Seine (à la période où sont conduites les campagnes NourDem). Deux espèces, moins occurrentes, mais abondantes, et d’intérêt commercial méritent également d’être prises en compte :

  • L’araignée de mer qui n’est capturée qu’à l’occasion de 9 % des traits en moyenne, mais dont l’IA moyen est de ≈ 212 300 individus et l’IB moyen de ≈ 147,8 tonnes.
  • et le rouget de roche Mullus surmuletus qui n’est capturé que dans ≈ 6 % des traits, mais dont l’IA moyen est de ≈ 223 600 individus et l’IB moyen de ≈ 14,9 tonnes.

Ces 21 espèces présentent, ensemble, un indice global d’abondance moyen de ≈ 75 millions d’individus (tableau ci-dessous), soit 90,85 % de l’IA global estimé à 82,65 millions d’individus (voir chapitre 2.1.), et un indice moyen de biomasse de ≈ 894 tonnes (soit 89,1% de la biomasse totale moyenne qui est estimée à 1 003 tonnes). Quatre de ces espèces peuvent être classées dans la catégorie des espèces benthiques (les 4 espèces de crustacés), 7 dans celle des espèces bentho-démersales, 2 dans celle des espèces démersales et 7 dans celle des pélagiques. Au sein des espèces socle du peuplement, ce sont donc les espèces pélagiques qui dominent, représentant 71,4% de l’abondance et 50,0 % de la biomasse. Ensemble, les espèces benthiques et bentho-démersales représentent 8,2 % de l’abondance globale moyenne et ≈ 26,5% de la biomasse. Les espèces démersales (uniquement représentées par le bar européen et le merlan au sein des espèces socle) représentent 5,9% de l’abondance moyenne et 15,1% de la biomasse.

Les 6 dernières espèces retenues ne peuvent pas être considérées comme des espèces socle du peuplement car elles présentent des occurrences de capture ainsi que des indices d’abondance et de biomasse faibles. Elles méritent néanmoins d’être prises en compte et suivies avec attention du fait de leur intérêt patrimonial, en tant que migrateurs potamotoques/anadromes (« grands migrateurs »), et de leur classement en tant qu’espèces indicatrices dans le cadre de différents suivis (y compris d’eau douce). Il s’agit de :

  • L’alose feinte Alosa fallax, migrateur anadrome, dont l’occurrence de capture moyenne n’atteint que 2,5%, mais avec un IA moyen de l’ordre de 1 493 individus pour un IB moyen de 287 kg,
  • la lamproie fluviatile (ou lamproie de rivière) Lampreta fluviatilis, migrateur anadrome, classé vulnérable (site web inpn.mnhn) : occurrence moyenne de 1,9%, IA moyen de 453 individus et IB moyen de 61 kg
  • la grande Alose Alosa alosa, migrateur anadrome : occurrence moyenne de capture de 1,21%, IA moyen de 679 individus et IB moyen de 106 kg
  • la truite de mer Salmo trutta, migrateur anadrome qui n’a pas été capturé au cours de toutes les campagnes : occurrence moyenne de capture de 0,47% pour un IA moyen de 62 individus et un IB moyen de 19 kg,
  • du saumon atlantique Salmo salar, migrateur anadrome, qui n’a pas été capturé à l’occasion de chacune des campagnes : occurrence de capture moyenne de 0,45%, IA moyen de 240 individus et IB moyen de 33 kg
  • et de la lamproie marine Petromyzion marinus, migrateur anadrome, qui n’a pas été capturé à l’occasion de chacune des campagnes : occurrence moyenne de capture de 0,23%, IA moyen de 108 individus et IB moyen de 8 kg.

3.2 Les espèces principales en estuaire de Loire

26 espèces ont été retenues comme constituant la base du peuplement en estuaire de Loire et/ou à suivre en priorité :

  • toutes celles dont l’occurrence de capture a été en moyenne sur les 6 années de suivi supérieure à 20% (soit 21 espèces),
  • les espèces sentinelles, classées « grands migrateurs », et faisant l’objet de suivis ou de protections spéciales par ailleurs, soit, outre l’éperlan d’Europe et de l’anguille commune dont les occurrences moyennes de capture ont été > à 20%, l’alose feinte, la grande alose et le saumon Atlantique,
  • et deux espèces, le maigre Argyrosomus regius et le bar moucheté Dicentrarchus punctatus, très peu présentes aujourd’hui en estuaire de Loire, mais d’intérêt économique, et abondantes plus au sud (espèces majeures en estuaire de Gironde). Ces deux espèces méritent d’être prises en compte car elles pourraient potentiellement devenir des espèces sentinelles dans le cadre du réchauffement climatique.

 

Dans cet estuaire, c’est le bar européen Dicentrarchus labrax qui est l’espèce la plus occurrente (88,79 % toutes classes d’âge confondues, avec un indice d’abondance moyen sur les 6 années de suivi de ≈ 257 000 individus et un indice moyen de biomasse de l’ordre de 41 tonnes.

Vient ensuite la sole commune Solea solea, avec une occurrence moyenne de 76,52 %, un indice moyen d’abondance de ≈ 346 000 individus et un indice moyen de biomasse de l’ordre de 15,6 tonnes.

L’anchois commun Engraulis encrasicolus, le sprat Sprattus sprattus, le crabe vert Carcinus maenas, et le flet Platichthys flesus présentent des occurrences de capture légèrement plus faibles, mais toutes supérieures à 55%.

Viennent ensuite, avec des occurrences de capture comprises entre 55 et 40 %, le tacaud commun Trisopterus luscus, la crevette grise Crangon crangon (très abondante en estuaire de Loire, et faisant l’objet d’une exploitation professionnelle) et le merlan Merlangius merlangus.

l’éperlan d’Europe Osmerus eperlanus, le mulet porc Liza ramada, le petit calmar Alloteuthis sp., le gobie buhotte Pomatoschistus minutus et le chinchard commun Trachurus trachurus présentent des occurrences de capture comprises entre 40 et 30 %.

Six espèces sont capturées dans environ un trait sur quatre (occurrences de capture comprises entre 26,3 et 23,6 %). Il s’agit respectivement de l’étoile de mer commune Asterias rubens (26,3 %), du gobie transparent Aphia minuta (26,09 %), du congre commun Conger conger (25.22 %), de la sardine commune Sardina pilchardus (25,01 %), de l’athérine Atherina presbyter  (24,82 %) et de la crevette blanche Palaemon longirostris (23,58 %).

L’anguille commune Anguilla anguilla (20,97 %) clôt la liste des 21 espèces socle du peuplement de l’estuaire de la Loire tel que nous pouvons l’échantillonner au moyen du chalut NourDem.

Ces 21 espèces présentent, ensemble, un indice global d’abondance moyen de 19,159 millions d’individus, soit 93,4 % de l’IA global moyen estimé, toutes espèces confondues, et qui s’élève à 20,504 millions d’individus (Cf. chapitre 2.2. et tableau ci-dessous) et un indice moyen de biomasse de 284.3 tonnes (soit 82,5 % de la biomasse totale moyenne qui s’élève à 344,7tonnes).

Quatre de ces espèces peuvent être classées dans la catégorie des espèces benthiques (crabe vert, crevette grise, étoile de mer commune et crevette blanche), 6 dans la catégorie des espèces bentho-démersales (sole, flet, gobies buhotte et transparent, congre et anguille), 4 dans la catégorie des espèces démersales (bar européen, tacaud commun, merlan et mulet porc), et 7 dans la catégorie des espèces pélagiques (anchois commun, sprat, éperlan d’Europe, calmar Alloteuthis sp., chinchard commun, sardine commune et athérine).

En termes d’abondances relatives au sein de ces espèces socle, ce sont les espèces pélagiques qui dominent 61,4 % de l’abondance totale), suivie des espèces benthiques (24,5 %), puis démersales (10,0 %) et enfin bentho-démersales (4,1 %). En termes de biomasse, la répartition est plus équilibrée, les pélagiques représentant 30,4 % de la biomasse totale, les démersaux 26,1 %, les espèces bentho-démersales 25,7 % et les espèces benthiques 17,8 %.

3.3 Les espèces principales dans l’estuaire de Gironde

Dans l’estuaire de Gironde, 19 espèces présentent une occurrence moyenne de capture sur les quatre années du suivi supérieure à 20% (tableau ci-dessous). Elles constituent donc le socle du peuplement de cet estuaire. Une vingtième espèce, le mulet porc Liza ramada présente des occurrences moyennes légèrement inférieures à ce seuil de 20% (18,42 %) mais des abondances moyennes élevées (≈ 105 000 individus). Comme elle est en outre une espèce abondante et occurrente dans les deux autres estuaires, nous la retenons parmi les espèces socle du peuplement.

L’espèce la plus occurrente dans l’estuaire de la Gironde (au moment où nous réalisons nos campagnes, et en utilisant le chalut NourDem), est le maigre commun Argyrosomus regius, capturé dans 64,28 % des traits en moyenne sur les quatre années d’échantillonnage, et dont l’indice moyen d’abondance a été de 3,28 millions d’individus pour un indice de biomasse moyen de 601,8 tonnes. Les captures ont essentiellement porté sur des individus des groupes 0 et 1, confirmant ainsi le rôle de nourricerie que joue l’estuaire pour cette espèce.

La sole commune Solea solea arrive en seconde position de ce classement en termes d’occurrence moyenne de capture (≈ 57,5 %). Les indices d’abondance et de biomasse moyens sont de ≈ 300 000 individus pour ≈ 22 tonnes. Le rôle de nourricerie de l’estuaire est également confirmé pour cette espèce.

La crevette grise Crangon crangon a été capturée dans 48,73 % des traits en moyenne et son indice d’abondance moyen s’élève à 3,585 millions d’individus.

Les chinchards Trachurus Sp. arrivent en quatrième position. Cette dénomination regroupe le chinchard commun Trachurus trachurus et le chinchard méditerranéen Trachurus mediterraneus. Ce regroupement a été rendu nécessaire du fait de la difficulté à distinguer les deux espèces chez les petits juvéniles (individus mesurant de 4 à 7 cm de longueur), très fréquents dans l’estuaire de la Gironde. Ensemble, les deux espèces ont été capturées dans 47 % des traits et ont présenté un indice moyen d’abondance de ≈ 9,27 millions d’individus pour un indice moyen de biomasse de ≈ 87,4 tonnes.

Viennent ensuite la crevette blanche Palaemon longirostris et l’anchois commun Engraulis encrasicolus, présentant tous deux plus de 42 % d’occurrence de capture, et des indices d’abondance respectifs de ≈ 4,8 millions et ≈ 12,6 millions d’individus.

Le bar européen Dicentrarchus labrax arrive en 7ème position en termes d’occurrence moyenne (≈ 40,7 %), avec un indice d’abondance moyen de ≈ 308 000 individus et un indice moyen de biomasse de ≈ 30 tonnes. Les captures portent essentiellement sur de jeunes individus, ce qui confirme que cet estuaire représente bien une nourricerie pour l’espèce.

L’ombrine bronze Umbrina canariensis est également bien présente dans l’estuaire, capturée dans 36,36 % des traits en moyenne, et présentant, toutes classes d’âge confondues, un indice moyen d’abondance de ≈ 2,1 millions d’individus pour un indice moyen de biomasse de ≈ 237 tonnes. L’importance des captures de très jeunes individus confirme que l‘estuaire représente une nourricerie pour l’espèce. La Gironde représente également quasiment la limite nord de répartition de cette espèce : nous n’avons pour l’instant jamais enregistré de capture d’ombrine dans l’estuaire de Loire, mais ceci reste à suivre dans le cadre du changement climatique qui s’accompagne d’une remontée vers le nord de nombre d’espèces.

Le gobie buhotte Pomatoschistus minutus est la neuvième espèce de ce classement : son occurrence moyenne de capture s’élève à 35,88 %, son indice moyen d’abondance à 1,12 millions d’individus et son indice moyen de biomasse à 1,24 tonnes.

En dixième position d’occurrence de capture se trouve le bar moucheté Dicentrarchus punctatus : 35,42 % d’occurrence de capture moyenne sur les 4 campagnes, un indice moyen d’abondance de 765 709 individus pour un indice moyen de biomasse de 13,67 tonnes. Les captures du bar moucheté sont donc moins occurrentes que celles du bar européen, mais plus de deux fois plus nombreuses en moyenne, tout en présentant un indice de biomasse plus de deux fois inférieur, ceci du fait de l’abondance en très jeunes juvéniles de bar moucheté (IA moyen sur les 4 années en G0 de l’ordre de 500 000 individus). Cette abondance en G0 (ainsi qu’en G1 : IA Moy.> 200 000 individus) confirme que l’estuaire de la Gironde représente bien une nourricerie pour cette espèce également.

Le calmar Alloteuthis (Alloteuthis sp.) est également bien présent en estuaire de Gironde : occurrence moyenne de capture de 34,25 %, IA moyen de plus de 900 000 individus et IB moyen estimé à 3,6 tonnes.

Viennent ensuite, avec des occurrences moyennes de capture comprises entre 30 et 20 % l’étrille lisse liocarcinus vernalis, la grande Alose Alosa alosa, le calmar commun Loligo vulgaris, le sprat Sprattus sprattus, la méduse rhizostome Rhizostoma pulmo, le crabe vert Carcinus maenas, la raie bouclée raja clavata et l’anguille commune Anguilla anguilla.

A ces 19 premières espèces nous adjoignons donc, bien que son occurrence de capture soit légèrement inférieure à 20 %, le mulet porc Liza ramada.

Ces 20 espèces constituent le socle du peuplement de l’estuaire de la Gironde tel que nous le pouvons l’appréhender au moyen du chalut GOV NourDem, et à la période de nos campagnes (fin août-début septembre). Elles présentent ensemble un indice global moyen d’abondance de 42,36 millions d’individus, ce qui représente 78,8 % de l’abondance totale moyenne de l’estuaire, toutes espèces confondues (53,75+/- 32,23 millions d’individus ; Cf. chapitre 2.3.), et un indice moyen de biomasse de ≈ 1 757,9 tonnes (soit 89,4 % du total moyen qui est estimé à 1 967,2 tonnes).

Sept de ces espèces sont pélagiques : le chinchard Trachurus sp. (fusion des données du chinchard commun et du chinchard méditerranéen), l’anchois commun Engraulis encrasicolus, le petit calmar Alloteuthis sp., la grande Alose Alosa alosa, le calmar commun Loligo vulgaris, le sprat Sprattus sprattus et la méduse Rhizostome Rhizostoma pulmo. Cinq sont des espèces démersales : le maigre commun Argyrosomus regius, le bar européen Dicentrarchus labrax, le bar moucheté Dicentrarchus punctatus, l’ombrine bronze Umbrina canariensis et le mulet porc Liza ramada. Quatre peuvent être classées dans la catégorie des espèces bentho-démersales : la sole commune Solea solea, le gobie buhotte Pomatoschistus minutus, la raie bouclée Raja clavata, et l’anguille commune Anguilla anguilla. Enfin les quatre crustacés sont des espèces benthiques : la crevette grise Crangon crangon, la crevette blanche Palaemon longirostris, l’étrille lisse Liocarcinus vernalis et le crabe vert Carcinus maenas.

Les espèces pélagiques dominent en termes d’abondance au sein des espèces socle, avec un indice d’abondance moyen de 25,4 millions d’individus entre 2019 et 2022 (tableau ci-dessous), soit 60,1% du total. Viennent ensuite les espèces benthiques (8,8 millions d’individus, soit 20,9 % du total), suivies des espèces démersales (6,5 millions, soit ≈ 15,5 % du total), et enfin les espèces bentho-démersales (1,5 millions d’individus ce qui représente 3,6 % du total).

En termes de biomasse moyenne, ce sont les espèces démersales qui dominent le peuplement, avec 940 tonnes (dont 602 tonnes pour le maigre commun), soit 53,5 % du total, suivies des espèces pélagiques (≈ 712 tonnes ; ≈ 40,5 % ; ≈ 506 tonnes pour la méduse rhizostome à elle seule), puis des espèces bentho-démersales (≈ 90,4 tonnes ; 5,1 % du total) et enfin des espèces benthiques (15,5 tonnes, soit 0,9% du total).

Le peuplement de l’estuaire de la Gironde tel qu’on peut l’échantillonner au moyen d’un chalut, est donc dominé, tant en termes d’abondance que de biomasse, par les espèces pélagiques et démersales : 1652 tonnes en moyenne sur les 4 années d’échantillonnage, soit ≈ 94 % de la biomasse moyenne totale.

A ces 20 espèces constituant le socle du peuplement, il convient d’ajouter les grands migrateurs que sont :

  • les deux espèces d’esturgeon échantillonnées, l’osciètre Acipenser gueldenstaedtii (esturgeon d’élevage en Gironde) et l’esturgeon d’Europe Acipenser sturio (esturgeon sauvage autochtone mais faisant l’objet d’un programme de repeuplement),
  • ainsi que l’alose feinte Alosa fallax et le saumon atlantique Salmo salar (en rappelant que les deux autres grands migrateurs que sont la grande Alose et l’anguille commune sont également prise en compte, mais en tant qu’espèce socle, car présentant une occurrence moyenne de capture supérieure à 20 %).

Les captures de ces 4 dernières espèces sont faibles, ce qui ne permet pas de produire des indices d’abondance robustes. Nous pouvons simplement conclure à leur présence dans l’estuaire au moment des campagnes NourDem.